Deux bonzes et un civil tués dans les heurts à Rangoun

Deux bonzes et un civil tués dans les heurts à Rangoun



Reuters

par Aung Hla Tun RANGOUN (Reuters) - Bravant les matraques et les gaz lacrymogènes, des moines bouddhistes et des
civils ont à nouveau défilé mercredi dans les rues de Rangoun où trois d'entre eux auraient péri,
premiers décès signalés dans le plus grand mouvement de protestation en vingt ans contre la junte. Des témoins ont estimé à 100.000 le nombre de personnes descendues dans les rues malgré la
persistance dans les mémoires de la répression sanglante du dernier soulèvement majeur contre la junte,
en 1988. Les militaires avaient alors ouvert le feu sur les manifestants, faisant environ 3.000 morts. "Ils défilent dans les rues, les moines au milieu et des civils de part et d'autre. Ils les protègent, ils
forment un bouclier humain", a déclaré l'un d'entre eux. Selon un responsable d'un monastère et une source médicale, deux moines et un civil ont été tués. A
l'annonce de ces décès, les Etats-Unis se sont dits "très préoccupés" par les actions de la junte. "Si ces informations sont exactes, les Etats-Unis sont très préoccupés par le fait que le régime puisse
traiter (ainsi) la population birmane", a déclaré un porte-parole de la Maison blanche, Gordon Johndroe.
"Nous appelons la junte à effectuer une transition pacifique vers la démocratie." A la tombée de la nuit, à Rangoun, les manifestants se sont dispersés pour respecter le couvre-feu
nocturne proclamé par la junte. Les rues se sont presque entièrement vidées. A Mandalay, deuxième ville du pays, elle aussi soumise à un couvre-feu, la Commission asiatique des
droits de l'homme a fait savoir que 10.000 personnes avaient manifesté sans rencontrer d'opposition. LA THAÏLANDE SE PRÉPARE La communauté internationale continuait mercredi d'appeler la junte à la retenue. Les manifestations ont débuté le mois dernier pour dénoncer la hausse du prix du carburant et ont
pris de l'ampleur après les coups de feu tirés par des soldats sur des moines à Pakokku, le 5 septembre. Le Premier ministre britannique Gordon Brown a demandé au Conseil de sécurité des Nations unies de
se réunir et a promis qu'il n'y aurait aucune impunité pour ceux qui violent les droits de l'homme. Le président du Conseil italien, Romano Prodi, va demander à l'Union européenne d'organiser en
urgence une réunion sur la situation afin de réfléchir aux moyens de "faire cesser les violences" au
Myanmar. Singapour a "(appelé) toutes les parties à s'abstenir de toute action provocatrice et à oeuvrer en
faveur de la réconciliation et d'un règlement pacifique de la situation". La France a fait savoir que "chaque responsable birman sera tenu pour responsable (...) des exactions
et des souffrances que subira la population, dont les révoltes sont tout à fait légitimes". En Thaïlande, pays voisin, l'armée prépare des avions de transport militaires C-130 pour évacuer ses
ressortissants de Rangoun si les violences s'aggravent, et les militaires postés à la frontière se
préparent à gérer un afflux de réfugiés. En début d'après-midi, des policiers antiémeutes ont tiré des gaz lacrymogènes sur des cortèges de
moines qui tentaient de franchir des barricades érigées autour de la pagode de Shwedagon, point de
départ des manifestations depuis une semaine. Environ 200 bonzes ont été arrêtés à l'issue de cette opposition frontale du clergé bouddhiste, qui
jouit d'une forte autorité morale dans le pays, à la junte.