Des petits groupes de manifestants défient l'armée à Rangoun

Des petits groupes de manifestants défient l'armée à Rangoun



Reuters

par Aung Hla Tun RANGOUN (Reuters) - Au troisième jour de la répression contre le mouvement de contestation au Myanmar, de petits groupes
de manifestants défient les soldats et policiers birmans qui ont bouclé le centre de Rangoun. Selon des témoins, des hommes et des femmes, réunis par groupes de plusieurs centaines, ont pris à partie des soldats, leur
lançant des insultes, parfois en anglais, avant de s'enfuir dans des allées latérales. Plusieurs coups de feu ont été tirés, sans qu'on sache s'ils ont fait des victimes. Le bilan de la répression du mouvement
démocratique, qui a débuté mercredi, reste difficile à établir. Neuf personnes au moins, dont un photographe japonais, ont été tuées jeudi par les soldats pourchassant les manifestants,
selon un bilan communiqué par la télévision officielle birmane.
Le chiffre exact pourrait être bien plus élevé. L'ambassadeur
d'Australie Bob Davis a estimé que le bilan véritable pourrait être
"plusieurs fois le multiple de la dizaine de décès reconnus par les
autorités". Une organisation de défense des droits de l'homme basée à Hong Kong, la Commission asiatique des droits de l'homme, a
déclaré que huit personnes avaient été abattues dans un quartier nord-est de Rangoun, Okkalapa-Sud, où l'armée a étendu
vendredi le couvre-feu nocturne. DES MOINES ANNONCENT UN "FRONT UNI"
Les moines bouddhistes, qui avaient organisé des défilés quotidiens
contre la junte au pouvoir, sont invisibles dans les rues de
Rangoun. L'armée en a arrêté par centaines jeudi lors de raids
dans des monastères mais les bonzes jurent qu'ils ne renonceront pas.
Interrogés, sous le sceau de l'anonymat, par des stations étrangères
émettant en birman, ils ont déclaré avoir formé un "front uni"
avec étudiants et militants pour continuer la lutte. Vendredi, des camions équipés de haut-parleurs ont à nouveau parcouru les rues de la plus grande ville du pays pour sommer
ses cinq millions d'habitants de ne pas protéger ceux qui tenteraient d'échapper à des arrestations. Le déploiement des forces de sécurité est particulièrement spectaculaire près de la pagode de Sule, point de convergence
des défilés de moines qui se sont succédé chaque jour depuis une semaine pour réclamer un dialogue de réconciliation nationale
ou des mesures contre la vie chère. Les accès à la pagode Shwedagon, principal sanctuaire bouddhiste de l'ex-Birmanie, ont également été fermés. L'intensification de la répression a déclenché un concert de protestations internationales. Même la Chine, principal soutien de
la junte, s'est dit "extrêmement préoccupée" et a appelé à la retenue. L'Association des pays d'Asie du Sud-est (Asean) a demandé elle au Myanmar de mettre fin aux violences et fait part dans un
communiqué de sa "révulsion" vis-à-vis des répressions de l'armée et des morts qu'elles ont entraînées. Les généraux birmans ont accepté de recevoir l'émissaire des Nations unies pour le Myanmar, Ibrahim Gambari, qui devrait
arriver de Singapour samedi à Rangoun, selon des sources diplomatiques.
La junte semble par ailleurs avoir suspendu vendredi les accès publics
à internet pour éviter la diffusion de photos et de vidéos
du mouvement de contestation et de la répression. Des manifestations de soutien au mouvement démocratique ont eu lieu dans plusieurs pays de la région. Des heurts ont
émaillé l'une d'entre elles à Canberra, capitale de l'Australie, aux abords de l'ambassade du Myanmar.