Benazir Bhutto au Pakistan après huit ans d'exil

Benazir Bhutto au Pakistan après huit ans d'exil



Reuters

par Simon Cameron-Moore et Zeeshan Haider KARACHI (Reuters) - Benazir Bhutto, ancien Premier ministre du Pakistan, est rentrée jeudi dans son
pays après huit années d'exil pour conduire son parti dans la campagne des élections législatives en alliée
potentielle du président Pervez Musharraf. "Je suis très enthousiaste, très heureuse et très fière", a-t-elle dit alors que son avion en provenance
de Doubaï allait se poser à Karachi, où l'ancien chef du gouvernement était attendu par des dizaines de
milliers de ses concitoyens. "Il nous faut la démocratie au Pakistan", a-t-elle ajouté. Les autorités, qui craignent que des attentats suicides soient commis par des combattants liés à Al
Qaïda ou aux taliban, ont mobilisé 20.000 agents pour assurer la sécurité. Alors qu'elle avait promis pendant des années qu'elle retournerait au Pakistan pour mettre un terme à
la dictature militaire du général Pervez Musharraf, Bhutto pourrait conclure un accord de partage du
pouvoir avec le président pakistanais. Selon de nombreux observateurs politiques, ce mariage de raison entre deux anciens ennemis semble
avoir été soufflé à Musharraf par les Etats-Unis, qui veulent stabiliser cet Etat qui dispose de l'arme
nucléaire et qui soutient l'action de l'Otan en Afghanistan. "UNE JOURNÉE HISTORIQUE" Son avion, qui a décollé de Doubaï avec une heure de retard sur l'horaire prévu, a atterri un peu avant
14h00 locales (09h00 GMT) à Karachi, où plus de 100.000 de ses partisans l'attendaient, se pressant le
long de la route qui relie l'aéroport à la ville. "Je remercie Dieu, je suis très heureuse d'être de retour dans mon pays, ce jour, j'en rêvais", a-t-elle
confié à sa descente d'avion. Des drapeaux rouge-noir-vert du PPP jalonnent les rues de Karachi, ainsi que des portraits géants de sa
dirigeante. Bhutto devait ensuite se rendre en cortège au mausolée du fondateur du Pakistan, Mohammad Ali
Jinnah, où une réunion publique est prévue. Le trajet devrait prendre plusieurs heures à travers des rues
bondées. "C'est une journée historique que notre leader offre au Pakistan. Cela va changer le destin de notre
pays", a commenté Javed Yaqoob, un responsable de sa formation politique, le Parti du peuple pakistanais
(PPP), résidant à Doubaï. Selon les services de renseignement pakistanais, au moins trois groupes djihadistes liés à Al Qaïda ou
aux taliban ont menacé de lancer des attaques suicides contre l'ancien Premier ministre. "Elle a passé un accord avec l'Amérique. Nous porterons nos attaques contre Benazir Bhutto comme
nous les avons portées contre le général Pervez Musharraf", a déclaré à Reuters par téléphone
satellitaire Haji Omar, chef taliban de la région tribale du Waziristan, à la frontière afghane. LE RETOUR DE L'HÉRITIÈRE "En ce moment, je ne pense pas à la mort", a dit Bhutto sur la chaîne Geo Television avant son départ
des Emirats. "Je rentre pour le peuple du Pakistan et je suis convaincue que tout se passera très bien." Des militants du PPP s'étaient rassemblés devant la maison de leur idole à Doubaï en brandissant son
portrait. Ils ont attaché à l'épaule de Bhutto un ruban vert et noir portant des versets du Coran, une
coutume musulmane pour souhaiter bon voyage à un proche. Bhutto, qui portait une tunique et de larges pantalons verts, la tête couverte d'un voile blanc, est
montée à bord d'une Mercedes noire, accompagnée de son mari, Asif Ali Zardari, et de ses deux filles, et
a pris le chemin de l'aéroport. Avant d'embarquer à bord de l'avion, sans son mari et ses filles qui restent aux Emirats, elle a affirmé
que le Pakistan se trouvait "à la croisée des chemins". "Une route conduit à la démocratie, l'autre à la
dictature", a-t-elle dit. Ce retour a été rendu possible par l'abandon des charges de corruption qui pesaient contre elle. L'ex-chef du gouvernement (1988-90 puis 1993-96) n'exerce plus de pouvoir depuis dix ans. Elle n'a
cependant guère perdu de son charisme et, à 54 ans, demeure l'une des femmes politiques les plus connues
de la planète. Formée à Harvard et Oxford, elle est surtout l'"héritière" de son père Zulfikar Ali Bhutto, président
puis Premier ministre pakistanais renversé en juillet 1977 par Zia-Ul-Haq et exécuté deux ans plus tard.