L'attentat de Karachi imputé à des islamistes

L'attentat de Karachi imputé à des islamistes



Reuters

par Imtiaz Shah KARACHI (Reuters) - Le gouvernement pakistanais a imputé vendredi à des islamistes un double
attentat qui a fait 133 morts dans la nuit à Karachi, au moment où le convoi de l'ex-Premier ministre
Benazir Bhutto, de retour d'exil, traversait une foule de sympathisants. La dirigeante d'opposition, qui circulait à bord d'un camion doté de protections antibombe, est sortie
indemne de l'attentat à l'explosif le plus meurtrier de l'histoire du Pakistan. A faible intervalle, une grenade a explosé puis un kamikaze s'est fait sauter au passage du convoi de
Bhutto, qui se frayait un chemin parmi des centaines de milliers de personnes venues accueillir à une heure
tardive celle qui, avant son exil de huit ans, fut deux fois Premier ministre. Cette tentative d'assassinat met en évidence les troubles qui menacent le Pakistan à l'approche des
élections législatives de janvier, mais on ignore si elle peut affecter un partage du pouvoir éventuel entre
Bhutto et le président Pervez Musharraf. Bhutto doit donner une conférence de presse dans la journée. L'attentat n'a pas été revendiqué jusqu'ici, mais des activistes liés à Al Qaïda, irrités par le soutien
qu'a exprimé Bhutto à la guerre que livrent les Etats-Unis au terrorisme, avaient menacé cette semaine de
l'assassiner. La police cherche à déterminer si l'acte meurtrier de Karachi est lié aux régions tribales jouxtant
l'Afghanistan, qui servent de refuge aux activistes d'Al Qaïda et aux taliban. "Il ne fait aucun doute que c'est le travail d'activistes et de terroristes", a déclaré Javed Iqbal
Cheema, porte-parole du ministère de l'Intérieur, ajoutant qu'il était trop tôt pour indiquer de quel
groupe il s'agissait. Certains renseignements ont signalé des complots montés par trois groupes distincts. Syad Kamal Shah, secrétaire d'Etat au ministère de l'Intérieur, a fait état d'un bilan de 133 morts et
290 blessés. Ce qui fait de cet attentat le deuxième de 2007 par la gravité, et le plus meurtrier de
l'année hors d'une zone de guerre. SOUTIEN PRÉSIDENTIEL "La première explosion a été causée par une grenade. La seconde était un attentat suicide", a dit à
Reuters Manzoor Mughal, responsable de police participant à l'enquête. "Le kamikaze a couru au milieu
de la foule et s'est fait exploser." Mughal a déclaré que la tête du kamikaze présumé avait été retrouvée et que l'on estimait à 15 ou 20
kg la charge d'explosifs qu'il portait autour de la ceinture. La police pakistanaise offre une récompense de cinq millions de roupies (57.392 euros) pour toute
information sur l'attentat. Mais l'époux de Bhutto, Asif Ali Zardari, a mis en cause les services secrets
du pays et de nombreux Pakistanais partagent ses soupçons. Bhutto, 54 ans, a de nombreux ennemis liés à l'appareil sécuritaire du Pakistan ainsi qu'aux groupes
djihadistes. Musharraf lui a exprimé un certain soutien pour son retour et les deux dirigeants pourraient convenir
d'une formule de partage du pouvoir après les législatives. Dans un communiqué, le président pakistanais a dénoncé "un complot contre la démocratie". Les
Etats-Unis, plusieurs pays alliés et l'Inde voisine ont aussi condamné l'attentat. Le président Nicolas
Sarkozy a "adressé les condoléances de la France et sa sympathie" aux Pakistanais. L'ampleur de l'accueil réservé à Bhutto a démontré qu'elle exerçait un attrait dont aucun autre
dirigeant ne peut se targuer bien qu'elle soit restée à l'écart du pouvoir ces dix dernières années et hors
de son pays depuis huit ans. La plupart des boutiques n'ont pas ouvert vendredi à Karachi, où les écoles étaient fermées après le
carnage. On voyait peu de taxis et aucun autobus ne circulait. Le retour de Bhutto sur la scène vie politique a été salué par les couches pauvres de la population mais
aussi par les investisseurs, qui voient en elle un facteur de stabilité et de démocratie propre à favoriser
une politique économique cohérente. L'attentat s'est produit peu après minuit, une dizaine d'heures après l'arrivée de Bhutto en
provenance de Doubaï. Quelque 20.000 membres des forces de sécurité avaient été déployés pour protéger Bhutto, mais le
gouverneur de la province a dit que, compte tenu de "véritables menaces", les autorités avaient demandé à
son parti d'accélérer le cortège.