Défilés: entre mode urbaine et hommage à la terre

Défilés: entre mode urbaine et hommage à la terre


Par Dominique SCHROEDER




PARIS (AFP) - La créatrice
franco-comorienne Sakina M'sa et le Français Robert Normand ont tous
deux proposé dimanche une mode qui revendique son ancrage dans le réel,
tout en fluidité et drapés pour la première, plus graphique et
structurée pour le second.
La Chinoise Ma Ke, quant à elle, a placé sa présentation sous le signe de la terre.
Tous trois présentaient leur travail au premier jour des défilés de prêt-à-porter féminin pour l'automne-hiver prochain.
Sakina M'sa veut faire sortir la mode de
son microcosme, la confronter à la rue et voit en elle un moyen de
lutter contre les discriminations.
Elle avait demandé à des personnalités des
milieux politiques et artistiques mais aussi à des gens de la rue de
lui raconter leur "robe rêvée". A partir de ces confidences, elle a
imaginé des robes en jersey de soie, très fluides, souvent noires, aux
multiples drapés. Les ourlets tanguent, asymétriques, des surpiqûres
forment comme un plastron rigide, un lien à la taille fait blouser les
robes.
La créatrice avait invité mannequins et
non mannequins à participer à ce défilé très applaudi qu'elle voulait à
la fois "esthétique" et "éthique".
De son côté, Robert Normand, dont c'était
le premier défilé, a proposé un vestiaire net et graphique, d'une
élégance très contemporaine, mêlant jersey, broderies et imprimés.
De délicats motifs bronze ornent une robe
de jersey gris, des manches de fausse fourrure réchauffent le haut
finement plissé d'une robe courte, une robe noire rappelle une veste de
smoking qui s'achèverait en volants de dentelle. Les femmes ont les
mains dans les poches et affrontent le froid en bottes plates de laine
bouillie.
"J'aime la civilisation du sweat-shirt", a
déclaré à l'AFP cet ancien collaborateur de Lanvin, Lacoste et Emilio
Pucci. Mais il faut "arriver à lui donner une nervosité, ça peut vite
devenir une chose molle". "L'idée de base, c'est la robe T-shirt",
explique Robert Normand à propos de son style même s'il a utilisé pour
sa collection du jersey de cachemire.
Il faut "trouver un équilibre entre ce
qu'a été le luxe dans les années 90 et quelque chose qui soit
consommable, arriver à rester dans une mesure de la réalité", dit-il.
La Chinoise Ma Ke, pour sa première
présentation à Paris, a rendu hommage à la terre en présentant de
saisissants personnages aux vêtements et à la peau couverts de terre,
figés comme les statues en terre cuite représentant l'armée de
l'empereur chinois Qin Shi Huang.
Les tissus --souvent de rudes étoffes--
sont froissés, troués, déchiquetés, rigidifiés par la terre. D'énormes
manteaux aux manches très longues, des bandes de tissus qui enserrent
le mollet ou la tête, des jupes comme boursouflées dessinent des
silhouettes paysannes hors du temps. Un filet de terre tombe doucement
du plafond sur l'un des personnages.
Ma Ke explique dans un document distribué
à l'occasion de sa présentation avoir été touchée par l'"attachement
ancestral" de paysans à la terre lors de voyages "dans la Chine
rurale profonde". "La terre: pas seulement pour nous nourrir mais pour
toucher aux racines de la vie et de notre demeure céleste".
Chez Balmain, la vie se conçoit en
précieuses robes ultra-courtes sur boots à talons cloutés d'argent. Des
écailles argentées sur les épaules ou l'encolure composent comme des
esquisses d'armure sur des robes qui adoptent aussi de courtes
manches-coques. Les broderies d'argent gagnent les hanches des
pantalons qui s'évasent à partir du genou jusqu'à onduler en godets,
cachant les chaussures. Ils peuvent s'accompagner d'un marcel, lui
aussi brodé.