29e "Cinéma du réel": les femmes dans les rouages

PARIS (AFP) - Les rouages d'une mondialisation qui broie les femmes des pays pauvres sont dévoilés dans plusieurs films projetés à la 29e édition du festival international de documentaires "Cinéma du réel" (9-18 mars) au Centre Pompidou à Paris.
La compétition internationale, qui comprend 25 films
venus de 19 pays, a démarré avec la projection devant un public fourni,
de "Rêves d’ouvrières" de la Vietnamienne Phuong Thao Tran, "Match
made" de la Singapourienne Mirabelle Ang, et "Et après II" du Coréen
Lee Hosup.
Ces trois films
ont en commun d'évoquer de tragiques destins féminins, pris dans une
économie mondialisée où pour survivre, les plus faibles sont amenés à
travailler dans des conditions d'exploitation extrême ou à monnayer
leur corps.
"Rêves d’ouvrières" fait parler de jeunes
Vietnamiennes qui ont quitté la campagne pour chercher du travail dans
les usines d'assemblage de photocopieurs et d'imprimantes japonaises de
Hanoï.
Venues de la campagne, elles ont été recrutées par une "agence d'intérim" qui, moyennant deux mois de salaire, leur fournit un "emploi" particulier: payé moitié moins que celui des "vraies" ouvrières, sans congés ni sécurité sociale.
Elles logent à plusieurs dans une chambre
qu'elles quittent à l'aube et retrouvent à la nuit, si hébétées de
fatigue qu'elles s'évanouissent devant la chaîne. L'une d'elles dit
s'être retrouvée "dormant debout au milieu de l'autoroute" qu'elle
traverse pour rentrer.
"Pourquoi les ouvriers sont-ils les
perdants" du capitalisme introduit ces dernières années dans ce pays
communiste, "alors qu'ils sont de loin les plus nombreux?",
s'interroge-t-elle.
"Match made" montre une singulière agence
matrimoniale qui fournit aux célibataires aisés de Singapour ou Taïwan
de jeunes vierges certifiées, là encore en provenance du Vietnam,
prêtes à épouser un étranger pour fuir la misère.
Après un sordide casting, "l'heureuse
élue", rapidement déflorée, fait un mariage-express dans une chambre
d'hôtel avant d'être expédiée vers un mari qui ne parle pas sa langue.
La petite mariée de 19 ans suivie par le film ne donne pas satisfaction: elle sera renvoyée chez elle au bout de trois mois.
Enfin, "Et après II" ("And thereafter II")
de Lee Hosup, peint le portrait d'Ajuma, "fiancée de guerre" des G.I.
américains pendant la guerre de Corée. Epousée et ramenée aux Etats-Unis par un soldat devenu impotent, elle évoque crûment une vie de "pute pour Américains" qui lui a valu douze avortements.
Après avoir fui sa famille qui voulait "la
marier à un vieillard à quatorze ans", elle travaille comme bonne à
tout faire dans la famille d'un médecin de Séoul où elle n'est "pas
payée et nourrie de restes", avant de se prostituer.
Le rêve américain ne sera qu'un mirage:
rejetée par sa belle-famille, elle tentera de "faire fortune" en se
prostituant dans des salons de massage.
"As-tu aimé quelqu'un, pendant ta vie?",
lui demande le réalisateur qui avoue en voix off sa perplexité face à
l'indocilité d'Ajuma en interview.
"Aimer quelqu'un? Je n'y ai jamais pensé, j'étais trop occupée à survivre", répond-t-elle.
En 2006, "Cinéma du réel" avait attiré
17.500 spectateurs, attestant de l'engouement du public pour le genre
du documentaire, que montrent les succès d'"Etre et avoir" (1,8 million
d'entrées) de Nicolas Philibert en 2002 ou "La marche de l'empereur"
(1,9 million d'entrées) de Luc Jacquet en 2005.