Qui veut la peau du Tour?

Qui veut la peau du Tour?


Si le faisceau de présomptions autour du maillot jaune Michael Rasmussen prend évidemment une certaine épaisseur avec l'annonce de son exclusion de l'équipe nationale danoise
pour défaut de localisation en vue des contrôles antidopage inopinés,
on est aussi en droit de s'interroger sur le moment choisi pour révéler
cette information. Alors que les équipes françaises montrent du doigt
l'attitude des responsables de la Rabobank, Christian Prudhomme, lui,
vise à mots à peine voilés l'Union cycliste internationale...


Christian Prudhomme n'est pas dupe de l'affaire Rasmussen...
Déjà la décision des chaînes publiques allemandes ZDF et ARD
d'interrompre brutalement leur retransmission de la Grande Boucle sous
le seul prétexte du contrôle positif de Patrik Sinkewitz, aussi grave
soit-il pour un cyclisme allemand qui commençait à peine à reconstruire
l'après-Ullrich, n'avait pas manqué de soulever quelques questions.
Aussi soudain que brutal, ce retrait, motivé par le seul fait qu'il
s'agissait d'un coureur allemand, et jeune de surcroît, tenait pour
certains plus à d'obscures raisons politiques qu'à une réelle volonté
de créer un électrochoc outre-Rhin...



Avec l'annonce jeudi soir sur une la télévision publique danoise par
l'un des dirigeants de la Fédération nationale de l'exclusion de
Michael Rasmussen alors que celui-ci occupe la tête du classement
général du Tour de France, on s'interroge un peu plus encore... Car une
fois passée la désagréable impression que l'histoire pourrait se
répéter et faire resurgir le traumatisme Landis, une question mérite
bien d'être posée, celle du timing qui a conduit la Fédération danoise
(DCU) à révéler cette mesure d'exclusion datant de fin juin - Rasmussen
a été informé très exactement le 29 juin dernier par l'UCI de son
défaut de localisation à deux reprises (le 8 mai et le 28 juin) lors de
contrôles inopinés - près de deux semaines après le départ du Tour
depuis Londres et quatre jours après que le grimpeur de la Rabobank
s'est emparé du maillot jaune.



Prudhomme s'interroge...



Cette question, Christian Prudhomme, le directeur de la Grande Boucle,
qui verra le maillot jaune se hisser jusqu'à la hauteur de sa voiture
pour s'entretenir avec lui lors du départ fictif - un Rasmussen qui se
vantait sans doute un peu vite du "plein soutien d'ASO"
-, l'a posé ouvertement ce vendredi matin à quelques minutes avant la
12e étape depuis Castres. La cité tarnaise où, comme le précisera plus
tard la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, Roselyne
Bachelot-Narquin, "aucun motif recevable" n'empêchait Michael Rasmussen de s'aligner. Et le successeur de Jean-Marie Leblanc de questionner: "Pourquoi
maintenant? Pourquoi M. Worre a-t-il attendu le 19 juillet au soir pour
donner ces éléments qu'il avait fin juin? Pourquoi ne s'est-il pas
exprimé avant le départ du Tour? Pourquoi cette annonce de
non-sélection pour des événements qui auront lieu en septembre 2007 et
en août 2008"



Mais à travers cette mise en cause des motivations réelles de la
Fédération danoise, c'est bien l'Union cycliste internationale que
Prudhomme place sur la sellette: "Voici
les contrôles diligentés par l'UCI: des contrôles sanguins le 30 juin à
la veille du Championnat de Danemark auquel Michael Rasmussen a
participé sans que cela pose problème, le 5 juillet avec l'ensemble des
équipes, le 17 juillet au départ de l'étape de Val d'Isère. (...) Rasmussen a été déclaré apte par l'UCI, l'autorité de tutelle qui est en charge des contrôles."
D'un coup d'un seul, c'est la trêve, si fragile, construite entre les
organisateurs du Tour et l'UCI sur une apparente volonté commune de
prendre à la gorge les tricheurs, qui vacille... "Il a eu des contrôles urinaires les 15, 17, 18 et 19 juillet. Nous attendons ces résultats qui sont communiqués à l'AMA (Agence mondiale antidopage), à la fédération internationale, à l'équipe et au coureur mais, comme vous le savez, jamais à l'organisateur. (...) "Un
avertissement doit-il être considéré comme une sanction? L'UCI
va-t-elle transmettre la liste des coureurs qui ont reçu un
avertissement? Y a-t-il des informations complémentaires qui
expliqueraient cette sanction de M. Worre (le directeur de la DCU)? Qu'il donne ces éléments!



Mais des dirigeants danois à l'UCI, on se renvoie la balle sur la
responsabilité de cette fuite, les premiers arguant que la pression de
leurs médias nationaux était trop forte et les seconds se contentant
d'affirmer que cet avertissement n'avait pas valeur d'un contrôle
positif (*) et ne pouvait donc en aucun cas justifiait une interdiction de prendre le départ du Tour de France.



Boyer: "Les gens de Rabobank ne sont pas très sérieux..."


La Rabobank de Menchov (ici en photo) et Rasmussen pointée du doigt...
Dès
lors, c'est bien la responsabilité des dirigeants de la Rabobank, déjà
si rétive pour signer la lettre de l'UCI pour un cyclisme propre, qui
est visée. Une attitude que les directeurs sportifs des équipes
françaises n'ont pas manqué de dénoncer en choeur vendredi matin, à
l'image d'Eric Boyer, le manager de la Cofidis au micro de France 2: "Theo De Rooy
(son homologue au sein de l'équipe néerlandaise) et Erik Breukink, ce
ne sont des gens pas très sérieux. Ils étaient informés de la situation
de leur coureur au départ. Quand on veut s'inscrire sur le Tour de
France ou au Grand Prix de Trifouille-les-oies, on s'engage à aligner
neuf coureurs qui n'ont pas de problèmes."



Pour autant le patron de l'équipe nordiste ne se prive pas non plus de
pointer du doigt le rôle très ambigu de l'UCI dans cette affaire: "Faire
en sorte que les informations sortent ainsi pendant le Tour, ce n'est
pas bien. On se demande si l'UCI veut véritablement relever le sport
qu'elle prétend défendre."



(*) Un troisième manquement de ce genre équivaut alors à un contrôle positif.