Affaire Blais: nouveau coup de froid entre les magistrats et

Affaire Blais: nouveau coup de froid entre les magistrats et Rachida Dati




La
mutation "forcée" du procureur général d'Agen, doublée selon les
syndicats de "pressions" sur certains de ses confrères, a provoqué
jeudi une nouvelle bouffée de colère des magistrats vis-à-vis de la
garde des Sceaux Rachida Dati.
Un mois après
le tollé suscité par la convocation du vice-procureur de Nancy Philippe
Nativel, les juges s'émeuvent du cas du procureur général d'Agen,
Bernard Blais, à qui Rachida Dati a demandé de quitter son poste.
A
Agen, fonctionnaires, avocats et magistrats ont pris fait et cause pour
M. Blais, au point que le premier président de la cour d'appel, René
Salomon, a saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur son
cas, dénonçant une décision "tout à fait inédite" risquant d'être
"facteur de déstabilisation des magistrats du parquet et, du même coup,
de l'ensemble de la magistrature".
Dans un
rare communiqué commun, les deux principaux syndicats, l'Union
syndicale des magistrats (USM, majoritaire) et le Syndicat de la
magistrature (SM, gauche) ont vilipendé "une véritable tentative de
caporalisation des magistrats du parquet" par la Chancellerie.
Sans
nommer Bernard Blais, ils citent l'existence de "pressions exercées sur
certains procureurs généraux par le ministère afin qu'ils présentent en
urgence une demande de mutation".
En toile de
fond, la Chancellerie est suspectée de chercher à dégager des postes de
procureurs généraux pour y promouvoir des femmes, Rachida Dati ayant
annoncé son intention d'imposer la parité lors du prochain train de
nominations, prévu cet automne.
Le
porte-parole de la Chancellerie, Guillaume Didier, a expliqué que M.
Blais était en poste à Agen depuis 1994 et que "13 ans, c'est une durée
excessive à la tête d'une cour".
"Rachida Dati
a la volonté d'avoir de nouvelles compétences", a-t-il insisté,
rappelant qu'une loi de juin 2001 -pas applicable à M. Blais, nommé
avant- limitait désormais à 7 ans le poste d'un procureur général dans
la même cour.
La loi "traduit cependant
clairement la volonté du législateur de favoriser la mobilité dans ces
fonctions de direction. Une telle mobilité (...) m'apparaît
particulièrement indispensable pour ces fonctions de la haute
hiérarchie judiciaire et conforme à l'intérêt du service de la
Justice", a écrit jeudi Mme Dati à FO-magistrats.
Le
procureur de 64 ans se serait dit prêt à partir à la retraite l'été
prochain s'il restait à Agen, mais la Chancellerie semblait décidée à
lui forcer la main, tout en attendant vendredi.
C'est,
selon M. Didier, la date butoir pour qu'il réponde à l'offre d'un poste
d'avocat général à la Cour de Cassation, une cour prestigieuse mais que
les magistrats surnomment parfois le "cimetière des éléphants".
Magistrats
du parquet, les procureurs généraux des 35 cours d'appel sont sous
l'autorité du garde des Sceaux et nommés en Conseil des ministres. Mais
pour garantir leur indépendance, leur statut prévoit que les mutations
doivent intervenir a priori à leur demande.
Dans
le cas de M. Blais, rien n'empêche la Chancellerie de le muter "dans
l'intérêt du service". Un coup de force ne viendra en tout cas pas
réchauffer les relations entre la ministre et ses magistrats, dont les
syndicats dénonçaient une "chasse aux sorcières" le mois dernier, après
la convocation du vice-procureur de Nancy pour des propos sur les
peines plancher, que lui prêtait la presse et qu'il avait démentis.
Initiative rarissime, le CSM avait demandé une entrevue à la garde des
Sceaux pour obtenir des explications.