Batasuna décapité par la justice espagnole, mobilisation au

Batasuna décapité par la justice espagnole, mobilisation au Pays Basque




L'interpellation
jeudi d'une grande partie de l'état-major du parti indépendantiste
basque Batasuna, en réponse à la fin de la trêve de l'ETA, a plongé en
état de choc la mouvance indépendantiste basque qui a appelé à
plusieurs manifestations vendredi soir au Pays Basque espagnol.
Le
principal dirigeant en liberté du parti indépendantiste basque
Batasuna, Pernando Barrena, a dénoncé vendredi à Saint-Sébastien (nord)
l'interpellation des principaux responsables de son parti comme une
"vengeance" à caractère "préélectoral" du gouvernement.
C'est
"la vengeance du Parti socialiste de (José Luis Rodriguez) Zapatero et
de (Alfredo Perez) Rubalcaba", le chef du gouvernement espagnol et son
ministre de l'Intérieur, "face à l'attitude ferme de Batasuna", pendant
le processus de dialogue avorté entre Madrid et l'ETA, a déclaré M.
Barrena.
Il s'agit d'une "position
préélectorale" à travers laquelle le Parti socialiste (PSOE) au pouvoir
"cherche à améliorer sa situation politique face au PP (Parti
populaire, droite) en vue des prochaines élections législatives de
mars" 2008, a ajouté le leader indépendantiste.
M.
Barrena, qui ne participait pas à la réunion des dirigeants de Batasuna
interpellés jeudi soir au Pays Basque, s'exprimait devant la prison de
Saint-Sébastien, où deux représentants du Sinn Féin ont rendu visite au
leader emblématique de Batasuna, Arnaldo Otegi, incarcéré depuis le 8
juin.
Quatre mois après l'annonce par
l'organisation armée ETA de son retour à la lutte armée après une
tentative de négociation manquée avec le gouvernement socialiste, son
bras politique, déboussolé par cet échec, paie les pots cassés.
Pour
la deuxième fois en dix ans, le juge d'instruction madrilène Baltasar
Garzon, architecte de la mesure d'interdiction qui frappe Batasuna
depuis 2003 en raison de ses liens avec l'ETA, a porté un rude coup au
parti radical en faisant appréhender la plupart de ses dirigeants.
Au
total 22 membres de Batasuna ou d'organisations proches ont été
interpellés jeudi soir dans le village basque de Segura, en pleine
"assemblée clandestine".
Parmi eux figurent
certains des dirigeants les plus en vue du "bureau national" de
Batasuna -qui compte 38 personnes- : Joseba Permach, l'un des
principaux porte-parole, Juan José Petrikorena, responsable de la
communication, Rufino Etxeberria, parfois décrit comme le "commissaire
politique" de l'ETA.
Toutefois, certains hauts
dirigeants comme Pernando Barrena, qui a pris la relève du leader
emblématique Arnaldo Otegi après son incarcération le 8 juin, ne
participaient pas à cette réunion et n'ont donc pas été inquiétés.
La plupart des interpellés ont été transférés dans la nuit de jeudi à vendredi au commissariat de Saint-Sébastien.
Ils
seront présentés, probablement dimanche, au juge Garzon qui pourrait
ordonner leur placement en détention pour "récidive" ou "appartenance à
une organisation armée", selon une source judiciaire.
Dans
la nuit, des jeunes liés à la mouvance radicale basque ont protesté en
jetant des pierres sur des agences bancaires et une agence de voyages à
Vitoria, capitale administrative du Pays Basque espagnol.
La
gauche radicale basque a appelé à plusieurs manifestations vendredi à
20H00 (18H00 GMT) à Saint-Sébastien, Vitoria et Bilbao, au Pays basque
espagnol (nord).
Le juge Garzon soupçonne que
les dirigeants de Batasuna s'étaient réunis pour renouveler le bureau
exécutif du parti, afin notamment de remplacer des figures comme Otegi,
ou le responsable de la branche international Joseba Alvarez,
appréhendé mardi à Saint-Sébastien, d'après une source judiciaire.
Le
magistrat, qui avait déjà fait arrêter toute la direction de Batasuna
en 1997, a ordonné ces interpellations en vertu de l'interdiction
d'activité politique qui frappe Batasuna depuis 2003.
Il
avait à l'inverse fait preuve de souplesse envers Batasuna pendant le
processus de paix avorté entre l'ETA et le gouvernement, qu'il avait
soutenu publiquement.
"Cela fait partie des
effets collatéraux de la rupture de la trêve. Pendant, on intervenait
pas (contre Batasuna), maintenant on intervient", a commenté le
journaliste basque Gorka Landaburu, directeur de l'hebdomadaire Cambio
16.
"Il ne faut pas oublier qu'on est dans un
contexte électoral, à six mois des législatives", et que le
gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero ne veut être accusé
d'aucune faiblesse, ajoute-t-il.
"Interpeller
tous les représentants d'un pourcentage élevé des Basques peut faire
perdre des canaux de dialogue et des contacts nécessaires", a toutefois
mis en garde le responsable régional basque de l'Intérieur, Javier
Balza, membre du Parti nationaliste basque (PNV) au pouvoir dans la
région.
Le parti indépendantiste basque non
violent Aralar a dénoncé "une énorme bêtise judiciaire et politique"
qui, "en aucun cas, n'aide à se rapprocher de la paix, tout au
contraire".