Cible d'un attentat, Bhutto entend défendre la démocratie

Cible d'un attentat, Bhutto entend défendre la démocratie



Reuters

par Imtiaz Shah
KARACHI (Reuters) - L'opposante Benazir Bhutto a déclaré vendredi
qu'elle continuerait à lutter pour la démocratie au Pakistan
malgré l'attentat visant son convoi qui a causé la mort de 133
personnes dans la nuit à Karachi alors qu'elle rentrait d'un exil de
huit
ans. "Nous sommes prêts à risquer nos vies. Nous sommes prêts à risquer notre liberté. Mais nous ne sommes pas prêts à livrer ce
grand pays aux activistes", a dit Bhutto, qui portait un brassard noir, lors d'une conférence de presse au domicile de ses
beaux-parents à Karachi.
"C'était un attentat contre ce que je représente. Il visait la
démocratie ainsi que l'unité et l'intégrité mêmes du Pakistan. Je
savais
que l'attentat pouvait avoir lieu, mais j'étais prête à prendre ce
risque pour mon peuple et ma terre." L'ex-Premier ministre, âgée de 54 ans, a regagné son pays jeudi pour conduire le Parti du peuple pakistanais (PPP) aux
élections législatives prévues en janvier, qui doivent marquer un retour à une démocratie civile. Bhutto a jugé probables d'autres actions à son encontre. Elle a aussi fait allusion à des ennemis qui, de l'intérieur même du
gouvernement, militaient et conspiraient contre elle. "Je n'accuse pas le gouvernement. J'accuse des gens, certains individus qui abusent de leurs positions, qui abusent de leurs
pouvoirs", a-t-elle déclaré.
La dirigeante d'opposition, qui circulait à bord d'un camion blindé,
est sortie indemne de l'un des attentats à la bombe les plus
meurtriers de l'histoire du Pakistan. Le ministère de l'Intérieur a
fait état d'un bilan de 133 morts et 290 blessés.
Cette tentative d'assassinat met en évidence les troubles qui menacent
le Pakistan à l'approche des législatives, mais on ignore
si elle peut affecter un éventuel partage du pouvoir entre Bhutto et le
président Pervez Musharraf. Washington encourage leur alliance pour préserver l'orientation pro-occidentale du Pakistan, puissance nucléaire, ainsi que sa
coopération à la lutte contre Al Qaïda et aux efforts de l'Otan pour stabiliser l'Afghanistan. COUPS DE FEU
Le général Musharraf a exprimé sa sympathie à son alliée potentielle
par téléphone d'Islamabad et tous deux ont fait part de
"leur détermination inflexible à combattre la peste de l'extrémisme et
du terrorisme", a fait savoir le porte-parole du président,
Rashid Quereshi. Le double attentat a eu lieu peu après minuit, environ dix heures après l'arrivée de Bhutto en provenance de Doubaï, alors que
son convoi traversait une immense foule de sympathisants. "La première explosion a été causée par une grenade. La seconde était un attentat suicide", a dit à Reuters Manzoor Mughal,
responsable de la police nationale. "Le kamikaze a couru au milieu de la foule et s'est fait exploser." La tête du kamikaze présumé a été retrouvée et l'on estime à 15 ou 20 kg la charge d'explosifs qu'il portait sur lui.
Bhutto a déclaré que des coups de feu avaient aussi été tirés sur son
véhicule durant l'attentat, ajoutant qu'un homme armé d'un
pistolet et un autre portant une ceinture d'explosifs avaient été
arrêtés un peu plus tôt. L'attentat n'a pas été revendiqué jusqu'ici. Baitullah Mehsud, l'un des commandants des taliban passant pour avoir menacé Bhutto de mort, a téléphoné à Reuters pour nier
toute implication dans l'attentat de Karachi.
La police cherche à déterminer si l'acte meurtrier de Karachi est lié
aux régions tribales jouxtant l'Afghanistan, qui servent de
refuge aux activistes d'Al Qaïda et aux taliban. "C'est assurément le travail d'activistes et de terroristes", a dit un porte-parole du ministère de l'Intérieur.
L'ampleur de l'accueil réservé à Bhutto a démontré qu'elle exerçait un
attrait dont aucun autre dirigeant ne peut se targuer bien
qu'elle soit restée à l'écart du pouvoir ces dix dernières années et
hors de son pays depuis huit ans.
Son retour sur la scène vie politique a été salué par les couches
pauvres de la population mais aussi par les investisseurs, qui
voient en elle un facteur de stabilité et de démocratie pouvant
favoriser une action économique cohérente. Musharraf a dénoncé "un complot contre la démocratie". Les Etats-Unis, l'Union européenne et d'autres pays alliés ont aussi
condamné l'attentat, de même que l'Inde et l'Iran voisins.