Préparer ses obsèques pour "continuer à croquer la vie

Préparer ses obsèques pour "continuer à croquer la vie à pleines dents"




"Il
conduit son corbillard et là, il va prendre un sens interdit !": Hélène
Picardi s'esclaffe en regardant la vidéo de la préparation des
funérailles de son compagnon, mort le 4 juillet dernier, et affirme que
grâce à un long travail de préparation commun, aujourd'hui "elle croque
la vie".
Quand Hélène et Michel Renard se
sont rencontrés, les médecins lui donnaient 6 mois à vivre. "Je lui ai
dit: OK, on se claque 6 mois d'amour. Ca a duré 10 ans", raconte
aujourd'hui Hélène, une petite brune à l'air vif, âgée d'une
quarantaine d'années.
Il y a deux ans, Michel
lui a parlé de préparer ses obsèques: "C'était quelqu'un de généreux.
Il était inquiet et voulait que ma vie se poursuive après lui en me
permettant de sourire en le revoyant", note-t-elle.
La
préparation a vraiment commencé il y a un an, avec l'aide de Raphaël
Confino, directeur de l'Autre rive, une société de pompes funèbres qui
revendique "une autre façon d'aborder les obsèques".
Et
Hélène, peintre-sculpteur, a tout enregistré, par vidéo ou photos. "Je
voulais garder une trace. J'ai fait un dossier avant, pendant et après
avec une dernière photo où on voit la boîte (le cercueil) et mon reflet
avec mon appareil photo dans la fenêtre arrière" (du corbillard),
dit-elle.
Ensemble, il ont choisi le
corbillard -une 2 CV tractant une remorque ovoïde- et son trajet, le
faire-part avec cette inscription: son "amoureuse" a "le cafard de vous
faire part du décès", la dispersion des cendres à Ibiza... et la
musique. "Michel était compositeur -il a composé la chanson "Le
chanteur malheureux" de Claude François- et il était très concentré
là-dessus. Il n'était pas question qu'elle ne soit pas jouée",
raconte-t-elle avec énergie. "Comme l'église n'en voulait pas, on a
passé les morceaux choisis sur un pick-up installé dans le corbillard
avant l'entrée dans l'église", renchérit Raphaël car, avec cette longue
préparation, ils sont maintenant amis.
"Quelqu'un
qui aime la vie, s'il prépare ses funérailles, il continue à croquer la
vie à pleines dents jusqu'au bout", affirme Hélène. "Préparer, ça
permet de ne pas avoir peur et d'ouvrir les portes de la vie et de la
continuité", ajoute-t-elle. Et elle se déclare tout à fait prête à
préparer aussi ses funérailles, avec toutefois un bémol: "C'est juste
une question de moyens !"
"Maintenant, le travail le plus difficile, c'est de faire passer à mes proches que je vais bien", relève-t-elle.
Raphaël
Confino reconnaît que la préparation des obsèques par le défunt n'est
pas très courante: elle représente environ 10% des quelque 1.000
cérémonies qu'il a organisées en 6 ans d'existence de sa société.
Mais
l'important pour cet ancien concepteur de musées et de spectacles est
de permettre aux familles de s'impliquer dans les funérailles de leur
proche pour en retrouver sa personnalité lors de la cérémonie.
Et,
à côté des modèles traditionnels, il propose par exemple des cercueils
à peindre soi-même, d'autres recouverts de végétation ou une urne...
sablier.