Adolescentes défenestrées en Corse: la piste du défi morbide

Adolescentes défenestrées en Corse: la piste du défi morbide explorée par précaution


Par Emmanuel GIROUD



AJACCIO (AFP) - Policiers et psychiatres
exploraient vendredi, à Ajaccio, "par précaution" et pour éviter
d'autres drames, la piste des défis morbides entre adolescents, après
la tentative de suicide concertée de deux adolescentes qui se sont
défenestrées jeudi à quelques minutes d'intervalle.Jeudi soir, la première adolescente, âgée
de 14 ans, téléphone à sa camarade de classe de 15 ans, et lui dit: "Tu
sautes, je saute...", selon les témoignages recueillis par les
enquêteurs.
A 19h30, la première se jette dans le vide
depuis l'appartement de ses parents au troisième étage d'un immeuble du
centre d'Ajaccio. La seconde l'imite un quart d'heure plus tard du
deuxième étage, dans un quartier périphérique.
L'une a même sauté alors que ses parents se trouvaient dans la même pièce, assure une source proche de l'enquête.
Vendredi après-midi, les médecins
considéraient la plus âgée comme "totalement hors de danger" tandis que
leur pronostic restait "réservé" sur l'état de santé de la plus jeune,
même s'il était "en légère amélioration", a annoncé le directeur de
l'hôpital d'Ajaccio, Bruno Michel.
Dans leurs sacs, les policiers ont
rapidement trouvé des petits mots pliés tels que l'on en échange
pendant les cours. Il y était écrit, en substance: "C'est ce soir que
je saute, et toi, est-ce que tu sauteras ?", a indiqué à l'AFP le
procureur de la République d'Ajaccio José Thorel.
"Il est prématuré de dire si cela dépasse
le drame né de la relation fusionnelle entre deux amies ou si cela
s'étend à un groupe plus large mais des indices nous amènent à le
vérifier, au nom du principe de précaution", a ajouté le magistrat qui
a ouvert une enquête préliminaire pour "incitation au suicide".
Les policiers ont établi immédiatement
après le double drame une liste d'élèves et ils ont aussitôt prévenu
leurs parents, pour parer à tout autre tentative de suicide. Cette
liste a été étendue au collège privé Saint-Paul d'Ajaccio, après la
lecture d'une lettre que l'une des deux adolescentes a laissée à sa
mère, lui demandant d'embrasser telle ou telle copine, a indiqué à
l'AFP une source proche de l'enquête.
"L'enquête porte essentiellement sur l'origine des petits mots écrits, sur des échanges éventuels via des blogs
(sur internet, ndlr), et sur ce qui se passait dans cette classe, en
particulier dans un groupe identifié", a expliqué un responsable de la
police.
Au lendemain du drame, la cour du collège
Laetitia Bonaparte bruissait de rumeurs sur une "chaîne" ou une "bande"
au sein de laquelle des adolescentes se seraient lancé ce défi. Une
élève du collège, sous couvert de l'anonymat, a évoqué une "chaîne" de
huit ou neuf élèves à laquelle appartenaient les deux adolescentes.
"C'est une rumeur, nous vérifions", a commenté un enquêteur.
"Il peut s'agir d'un jeu de défis morbides tels que l'on peut en trouver dans tout le pays sur internet, dans les blogs de collégiens ou lycéens", a estimé M. Thorel qui n'exclut toutefois aucune autre hypothèse.
Sur le blog
d'une des deux victimes, on peut lire une profusion de messages mettant
en évidence des liens d'amitiés très forts au sein d'un groupe de
copines, alternant témoignages d'amour et accusations de traîtrise...
mais rien qui laisse augurer d'une issue aussi dramatique.
"Nous faisons toujours attention à cette
tranche d'âge très sensible, mais ce drame est tout à fait inattendu",
a indiqué à la presse le recteur de l'académie de Corse, Gilles Prado.
Deux cellules de soutien psychologique ont
été installées au collège, l'une notamment avec des psychiatres et
experts qui aident les élèves à parler et tentent de comprendre.